Psychomotricité et prise en charge précoce

Avez-vous entendu parler de la période sensible ? Différents scientifiques et spécialistes du développement de l’enfant l’ont conceptualisé. D’abord J.Piaget (qui parlait plutôt de période critique), P.Delion et R.Vasseur qui seront ici mes références, M.Montessori…

L’évolution des apprentissages chez le bébé et le jeune enfant est très rapide et se fait simultanément dans différents domaines : développement moteur, interactionnel, langagier, autour des intérêts cognitifs, etc…Ses acquisitions sont permises de par son bagage génétique, et son environnement. L’enfant refait encore et encore les mêmes expériences, et se les approprie. Ces différents auteurs nous expliquent que l’enfant sera plus réceptif à certains apprentissages selon une période limitée dans le temps, pendant laquelle le cerveau présente une réceptivité maximale (plasticité) d’où « période sensible » : il portera une attention particulière à des objets ou des activités, ce qui lui permet de développer des aptitudes ou des caractères précis. Passée cette période, la plasticité cérébrale s’atténue, l’intérêt se déplace sur une autre acquisition, et l’apprentissage de la compétence passée sera plus difficile.

J’ai travaillé de nombreuses années en Centre d’Action Médico Sociale Précoce. La prise en charge pluridisciplinaire du bébé et du jeune enfant était notre mission. Et nous mettions l’accent sur la précocité de nos interventions en parallèle de la guidance parentale afin d’influer sur l’environnement du bébé et limiter le surhandicap.

Le psychomotricien est le spécialiste de l’observation des manifestations corporelles particulières et précoces du tout petit, et de son développement tonico-postural. Or, le dialogue tonico-émotionnel est le premier langage du bébé. Actuellement, le diagnostic et la prise en charge précoces sont au centre des actions de Santé Publique. Pour seconder les structures de prise en charge qui ont malheureusement des listes d’attente très longues, et intervenir en parallèle, la prise en charge en psychomotricité précoce des nourrissons vulnérables est mise en avant sur le secteur libéral par le biais des réseaux périnataux, et la création des forfaits précoces dans le cadre du diagnostic précoce et du suivi des bébés à risque neurodéveloppemental (notamment les « bébés à risque autistique ») a été mis en place sur certains départements pour le moment par le biais des Plateforme de Coordination et d’Orientation. Un premier pas vers le remboursement des soins en psychomotricité.

Céline WAROQUIER, psychomotricienne D.E.

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Le psychomotricien en néonatalogie

Ceux qui me connaissent savent que la néonatalogie a profondément marqué ma vie professionnelle. J’y ai travaillé sur le début de ma carrière, et j’y ai fondé les bases de ma pratique.

La réanimation néonatale est un univers hautement technique, et rempli de contrastes. Le silence coupé par les bips des machines, les lumières nécessaires aux soins et les couveuses que l’on protège. Au fil des années, la prise en charge des bébés prématurés s’est améliorée sur le plan technique, mais aussi sur le plan psychique et psychocorporel. Les équipes se sont formées aux soins de développement. La spécificité de la psychomotricité réside dans l’écoute et l’attention particulière qu’elle porte aux manifestations psycho-corporelles de chaque individu. Les dimensions tonico-émotionnelles, sensori-motrices et affectives influencent dès les premiers instants de vie la posture et la gestualité.

Le bébé prématuré n’est pas un bébé miniature. Il a ses compétences propres, et ses besoins particuliers auxquels le psychomotricien et l’équipe soignante vont veiller : ses besoins psycho-affectifs (le soutien du lien parent-bébé, favoriser le contact corporel et le dialogue tonique avec ses parents à travers le toucher, le portage, les bercements… soutenir la compréhension de sa communication non-verbale …), ses besoins sensoriels (ajustement des flux et adaptation de l’environnement), ses besoins tonico-posturaux (installation et prévention posturale…), le maintien de ses compétences (stimulations ajustées, oralité…).

Le psychomotricien amène dans le service un regard en parallèle des soins vitaux, un rythme en deux temps, qui met en avant l’interaction avec le bébé et ses parents.

Céline WAROQUIER

psychomotricienne D.E.

Pour aller plus loin:

Laurence Vaivre Douret: la qualité de vie du nouveau né

C.Druon: A l’écoute du bébé prématuré

Waroquier Céline – évolution psychomotrice n73 : la psychomotricité : un accompagnement à l’investissement du corps de l’enfant prématuré

Livret de Repérage des Troubles du Neuro-développement

L’ANECAMSP partage un livret édité consacré au repérage précoce des Troubles du Neuro-développement.

Il a pour mission d aider les médecins à dépister les troubles précoces du neuro-développement (0 -7 ans).
Selon l’âge de l enfants différents critères du développement psychomoteur ont été retenus. Ils mettent aussi en avant les signes d alerte.

Parents, ce livret vous permet de vous poser les bonnes questions, et d’ouvrir la conversation avec votre pédiatre. Le médecin pourra décider d’inclure l enfant dans un protocole de soins mis en place par les Plateformes de Coordination et d’Orientation pour espérer une prise en charge plus rapide.

Le psychomotricien fait partie des partenaires de soins. Un forfait couvrant la prise en charge sur 12 mois pourra être mis en place.

A lire et partager sans modération !

Psychomotricité et Troubles de l’Oralité Alimentaire

L’oralité


Le système tactile puis oral sont fonctionnels très tôt au cours du développement utérin. Le fœtus réalise ses premières expériences gustatives et olfactives, ses premières expériences de succion/déglutition du liquide amniotique et ses premières coordinations mains bouche.


A la naissance, les rythmes s’installent avec le fractionnement de l’alimentation et la succession des sensations de faim puis de satiété. Ce sont aussi des expériences toniques qui s’alternent, avec une mise en tension corporelle liée à la faim (hyperextension, pleurs) et une détente, un apaisement liés la satiété (sensation de contenance).


Mais la bouche n’est pas que le lieu de l’alimentation. C’est aussi la bouche pour découvrir : découvrir son corps (les mains que le bébé porte à la bouche), découvrir son environnement (porter l’objet à la bouche). C’est le lieu où est permis le passage de dedans et du dehors. C’est ainsi une fonction importante dans le développement sensorimoteur de l’enfant. Enfin, la bouche permet de communiquer.

Les Troubles de l’Oralité Alimentaire (TOA)


Les Troubles de l’Oralité Alimentaire ou Feeding Disorder comprennent différents troubles de la fonction alimentaire : Dysoralité, phobie/hyper sélectivité alimentaire avec refus de la nouveauté, difficulté de succion, aversion aux morceaux, réflexe nauséeux exacerbé, peu de mastication.
Ils apparaissent dans la petite enfance, et s’expriment dans 4 domaines de l’alimentation :

  • Quantité du repas insuffisante
  • Durée du repas rallongé (souvent supérieur à 40 minutes)
  • Diversité du panel alimentaire restreint
  • Comportement exacerbé, désorganisation de l’enfant au moment du repas

Ces troubles sont installés depuis plus d’un mois et entrainent une perte de poids ou un retard de croissance, avec en général une répercussion sur la vie sociale.

Les causes peuvent être organiques ou fonctionnelles (troubles praxiques, troubles de la succion, déglutition, mastication) ou sensorimotrices (peu d’exploration orale, peu de plaisir à manger).

Les enfants à risque de développer un trouble de l’oralité alimentaire sont :

  • Les enfants ayant bénéficié d’une nutrition artificielle précoce (prématurité..) ou sur du long court (40% des TOA)
  • Les enfants souffrants d’un RGO important qui entraîne des douleurs récurrentes
  • Certains enfants avec un handicap moteur, ou un polyhandicap
  • Les enfants avec Trouble du Spectre Autistique en lien avec leurs particularités sensorielles

Sur le plan psychomoteur, les enfants souffrants de troubles de l’oralité alimentaire peuvent présenter:

  • Des troubles de la régulation tonique : Hyperextension, mise en tension corporelle
  • Des difficultés de coordination main bouche, et un manque d’exploration : Ne porte pas les objets à la bouche
  • Des irritabilités sensorielles : visuelles, olfactives, tactiles, et irritabilité orale. Ces difficultés se répercutent dans la vie quotidienne (toilette, changes…), et dans les explorations de l’enfant.

Prise en charge psychomotrice


La prise en charge des enfants souffrant de Trouble de l’Oralité Alimentaire est pluridisciplinaire : le médecin et l’orthophoniste sont souvent au premier plan. Puéricultrice, psychologue, ergothérapeute et bien sûr psychomotricien peuvent accompagner l’enfant et sa famille, en lien avec les différents partenaires.

Dans tous les cas, la prise en charge se fait impérativement en partenariat avec les parents. Des groupes d’éducation thérapeutique existent dans différents hôpitaux.

Une prévention est faite à travers les Soins de Développement en néonatalogie.

Cependant, lorsque je reçois des enfants souffrants de TOA, la première mission va être d’évaluer l’impact des troubles dans la vie du bébé et dans son exploration de son environnement, comprendre son fonctionnement sensorimoteur. L’abord sensorimoteur d’André Bullinger permet d’affiner mes observations.

La prise en charge psychomotrice va ensuite s’axer sur :

  • L’installation et le positionnement de l’enfant dans ses explorations, tactiles et orales, par une recherche des appuis posturaux et psychiques qui permettront à l’enfant d’être en mesure de se mobiliser et d’être acteur de son développement.
  • Être attentif au dialogue tonico-émotionnel, et permettre à l’enfant de vivre des éprouvés corporel plaisants, apaisants
  • Proposer à l’enfant des découvertes sensorielles, en respectant un gradient selon ses possibilités
  • Proposer un réinvestissement progressif de la sphère orale dans son schéma corporel

Le psychomotricien ne se situe pas dans le but premier de manger mais travaille autour de la sensorialité.

WAROQUIER Céline, psychomotricienne D.E.

Pour aller plus loin :
Groupe miam miam
La boite à idée de l oralité malmenée

Le livret de l’hôpital Robert Debré

Le blog de Ruffier Bourdet Marie, ergothérapeute spécialisée en TOA


Le blog de deux orthophonistes : une cuillere pour manon