Psychomotricité et Troubles de l’Oralité Alimentaire

L’oralité


Le système tactile puis oral sont fonctionnels très tôt au cours du développement utérin. Le fœtus réalise ses premières expériences gustatives et olfactives, ses premières expériences de succion/déglutition du liquide amniotique et ses premières coordinations mains bouche.


A la naissance, les rythmes s’installent avec le fractionnement de l’alimentation et la succession des sensations de faim puis de satiété. Ce sont aussi des expériences toniques qui s’alternent, avec une mise en tension corporelle liée à la faim (hyperextension, pleurs) et une détente, un apaisement liés la satiété (sensation de contenance).


Mais la bouche n’est pas que le lieu de l’alimentation. C’est aussi la bouche pour découvrir : découvrir son corps (les mains que le bébé porte à la bouche), découvrir son environnement (porter l’objet à la bouche). C’est le lieu où est permis le passage de dedans et du dehors. C’est ainsi une fonction importante dans le développement sensorimoteur de l’enfant. Enfin, la bouche permet de communiquer.

Les Troubles de l’Oralité Alimentaire (TOA)


Les Troubles de l’Oralité Alimentaire ou Feeding Disorder comprennent différents troubles de la fonction alimentaire : Dysoralité, phobie/hyper sélectivité alimentaire avec refus de la nouveauté, difficulté de succion, aversion aux morceaux, réflexe nauséeux exacerbé, peu de mastication.
Ils apparaissent dans la petite enfance, et s’expriment dans 4 domaines de l’alimentation :

  • Quantité du repas insuffisante
  • Durée du repas rallongé (souvent supérieur à 40 minutes)
  • Diversité du panel alimentaire restreint
  • Comportement exacerbé, désorganisation de l’enfant au moment du repas

Ces troubles sont installés depuis plus d’un mois et entrainent une perte de poids ou un retard de croissance, avec en général une répercussion sur la vie sociale.

Les causes peuvent être organiques ou fonctionnelles (troubles praxiques, troubles de la succion, déglutition, mastication) ou sensorimotrices (peu d’exploration orale, peu de plaisir à manger).

Les enfants à risque de développer un trouble de l’oralité alimentaire sont :

  • Les enfants ayant bénéficié d’une nutrition artificielle précoce (prématurité..) ou sur du long court (40% des TOA)
  • Les enfants souffrants d’un RGO important qui entraîne des douleurs récurrentes
  • Certains enfants avec un handicap moteur, ou un polyhandicap
  • Les enfants avec Trouble du Spectre Autistique en lien avec leurs particularités sensorielles

Sur le plan psychomoteur, les enfants souffrants de troubles de l’oralité alimentaire peuvent présenter:

  • Des troubles de la régulation tonique : Hyperextension, mise en tension corporelle
  • Des difficultés de coordination main bouche, et un manque d’exploration : Ne porte pas les objets à la bouche
  • Des irritabilités sensorielles : visuelles, olfactives, tactiles, et irritabilité orale. Ces difficultés se répercutent dans la vie quotidienne (toilette, changes…), et dans les explorations de l’enfant.

Prise en charge psychomotrice


La prise en charge des enfants souffrant de Trouble de l’Oralité Alimentaire est pluridisciplinaire : le médecin et l’orthophoniste sont souvent au premier plan. Puéricultrice, psychologue, ergothérapeute et bien sûr psychomotricien peuvent accompagner l’enfant et sa famille, en lien avec les différents partenaires.

Dans tous les cas, la prise en charge se fait impérativement en partenariat avec les parents. Des groupes d’éducation thérapeutique existent dans différents hôpitaux.

Une prévention est faite à travers les Soins de Développement en néonatalogie.

Cependant, lorsque je reçois des enfants souffrants de TOA, la première mission va être d’évaluer l’impact des troubles dans la vie du bébé et dans son exploration de son environnement, comprendre son fonctionnement sensorimoteur. L’abord sensorimoteur d’André Bullinger permet d’affiner mes observations.

La prise en charge psychomotrice va ensuite s’axer sur :

  • L’installation et le positionnement de l’enfant dans ses explorations, tactiles et orales, par une recherche des appuis posturaux et psychiques qui permettront à l’enfant d’être en mesure de se mobiliser et d’être acteur de son développement.
  • Être attentif au dialogue tonico-émotionnel, et permettre à l’enfant de vivre des éprouvés corporel plaisants, apaisants
  • Proposer à l’enfant des découvertes sensorielles, en respectant un gradient selon ses possibilités
  • Proposer un réinvestissement progressif de la sphère orale dans son schéma corporel

Le psychomotricien ne se situe pas dans le but premier de manger mais travaille autour de la sensorialité.

WAROQUIER Céline, psychomotricienne D.E.

Pour aller plus loin :
Groupe miam miam
La boite à idée de l oralité malmenée

Le livret de l’hôpital Robert Debré

Le blog de Ruffier Bourdet Marie, ergothérapeute spécialisée en TOA


Le blog de deux orthophonistes : une cuillere pour manon

Mon enfant marche sur la pointe des pieds

Votre bébé commence à se redresser, à se mettre debout, et à faire ses premiers pas. Vous constatez qu’il se place sur la pointe des pieds, faut-il s’en inquiéter ?

La marche sur la pointe des pieds est aussi appelée « marche en équin ».

Fréquente chez le jeune enfant lors de l’apparition des premiers pas, elle est à surveiller. Le professeur Mary, chirurgien orthopédique à l’hôpital Trousseau, nous rappelle que « la démarche du jeune enfant n’est pas la même que celle de l’adulte, et que celle-ci va se modifier jusqu’à l’âge de 7 ans. »

En effet, le tout petit explore ses appuis, découvre les déséquilibres, et ses premiers pas se font avec un polygone de marche élargi, avec des ajustements toniques qui peuvent aller jusqu’à une mise en tension corporelle induisant une marche sur la pointe des pieds.

Cependant, si elle persiste, si l’enfant n’est pas en mesure de poser son talon au sol en position statique, ou la marche sur la pointe des pieds est exclusive, il est important de consulter votre pédiatre pour en comprendre l’origine :

  • Le raccourcissement du tendon d’Achille, ou le raccourcissement musculaire des muscles du mollet
  • Un trouble neurologique, pour lequel la spasticité musculaire induit une position en équin
  • Un trouble sensoriel, telle qu’une irritabilité tactile (l’enfant ne supporte pas le contact du sol sur ses pieds) ou une hyposensibilité (l’enfant se met en tension pour mieux ressentir son corps).  A noter que cette dimension sensorielle est importante pour l’enfant porteur de Trouble du Spectre Autistique, pour qui la marche sur la pointe des pieds est caractéristique.
  • Une attitude comportementale liée à un apprentissage de la marche par l’usage du Youpala

Au-delà des difficultés d’équilibre que la marche sur la pointe des pieds provoque, c’est l’adaptation corporelle et tonique dans la déambulation qui est perturbée. Et lorsque l’attitude sur la pointe des pieds persiste, la rétraction musculaire est à craindre. Le repérage et le traitement précoce est donc important pour limiter les risques de complication.

Plusieurs professionnels de la santé peuvent être mobilisés selon l’origine du trouble et ses conséquences : kinésithérapeute, psychomotricien, ergothérapeute.

Le psychomotricien va travailler autour de la prise de conscience corporelle du jeune enfant, de ses appuis, autour de son adaptation corporelle, et autour de sa sensorialité. Une guidance parentale va également être proposée afin de favoriser les situations du quotidien qui amèneront l’enfant à poser ses talons au sol.

Lorsque le trouble est sévère, en général lorsque l’enfant souffre d’un handicap qui explique l’origine du trouble, un traitement orthopédique (attelle, toxine.) voir chirurgical pourra être envisagé sous regard du chirurgien orthopédique.

WAROQUIER Céline, psychomotricienne D.E.

BIBLIOGRAPHIE

 « La démarche en équin », Pédiatrie Pédiatrique, Pr P.Mary

https://www.pediatrie-pratique.com/journal/article/008767-demarche-en-equin

« Faut-il s’inquiéter quand un enfant marche sur la pointe des pieds? »  Educatout, J.Caron Ergothérapeute

https://www.educatout.com/edu-conseils/ergotherapie/faut-il-s-inquieter-quand-un-enfant-marche-sur-la-pointe-des-pieds–ergotherapie-enfants.htm

« La marche sur la pointe des pieds », Centre  Ressource Autisme IF, A. D’Ignazio, Psychomotricien

http://www.psychomotricien-liberal.com/2019/07/15/la-marche-sur-la-pointe-des-pieds/

Mon enfant à des particularités sensorielles

Alors que le gâteau arrive et que toute la famille se met à chanter pour fêter l’anniversaire de votre enfant, celui-ci se bouche les oreilles, semblant gêné par le bruit. 
Vous vous faisiez une fête de l’amener a la plage, mais la panique gagne quand ses pieds entrent en contact du sable, …
Voici quelques scènes de vie courante dans la vie du jeune enfant.
Mais quand les situations se multiplient, la vie peut devenir vite plus difficile. L’enfant voire la famille s’isole, pour éviter les situations qui pourraient être pénibles. Ces difficultés ont alors un impact sur la vie sociale de l’enfant.

Ces difficultés a gérer les stimulations sensorielles sont appelés désordres de la modulation sensorielle. Trop ou trop peu, les informations sensorielles sont difficilement reçues et intégrées. L’enfant donne le sentiment d’être vite irrité, gêné par des situations qui semblent ordinaires (un simple câlin lui est insupportable) ou au contraire dans une recherche excessive de stimulations (il tournoie sur lui-même sans cesse, se tape la tête…) ou avec peu de réaction a des sensations qui paraissent inconfortables (il ne réagit pas à une chute qui pourtant devrait être douloureuse). 

Hypersensibilités, hyposensibilités et recherche de sensations se côtoient parfois.

Ces troubles sont fréquemment retrouvés auprès des enfants et adultes atteints de troubles du neurodéveloppement type TSA (troubles du spectre autistique) et depuis 2013 font partie intégrante du diagnostic (DSM V), mais aussi parfois chez des enfants prématurés, et parfois encore sans raison apparente. 


Une consultation pédiatrique puis une prise en charge psychomotrice peut alors présenter tout son intérêt pour soutenir votre enfant dans l’appréhension de son environnement.

La passation de tests standardisés et la passation d’un profil sensoriel ou d’un bilan sensorimoteur, avec les observations des parents permettront de comprendre le fonctionnement de votre enfant, avec ses particularités et ses compétences.

Des stratégies de compensation tant dans l’ajustement de son environnement que dans ses possibilités de traitement des flux sensoriels seront réfléchis en séance et sur les lieux de vie de votre enfant (maison, école ).

Waroquier Céline, Psychomotricienne D.E

Pour aller plus loin: 
Autisme et troubles sensoriels 
Infographie issue du site de Hop Toys




La marche, la grande conquête du jeune enfant !

Les premiers pas, tant attendus, suscitent l’émoi, l’excitation de toute la famille. C’est un moment de plaisir partagé entre l’enfant et ses parents. C’est aussi un premier pas vers l’autonomie et l’indépendance.

La marche est une grande étape du développement psychomoteur de l’enfant. Elle s’acquiert pour la majorité des enfants entre 12 et 18 mois, parfois avant, parfois après. Cependant, la marche est préparée bien en amont. La musculature, l’équilibre et les coordinations, sont exercées depuis les premiers déplacements. L’enfant se retourne, l’enfant se redresse, l’enfant grimpe…Il découvre là tout un panel de mouvements dont il est capable, et ses effets sur son environnement. Les différents schèmes neuromusculaires s’intègrent, se consolident.

La marche, c’est avant tout un savant mélange entre musculature, sensorialité, appuis et équilibre. C’est aussi le désir d’accéder à la verticalité, avec sa composante relationnelle. André Bullinger nous dit « marcher, c’est faire du chemin », c’est aller vers.

Pour accéder à la marche, l’enfant se redresse et se verticalise, grâce à la combinaison de l’enroulement et des rotations des différents segments du corps.  On différencie ainsi le redressement de l’extension. A. Coeman nous explique ainsi que si le redressement est un processus d’intégration de la pesanteur avec une modulation et un ajustement des forces musculaires, l’extension est une lutte contre la pesanteur, dominé par la tension excessive du buste. L’extension empêche le mouvement.

On comprend alors en quoi les outils d’aide à la marche (harnais de marche, youpala…) en plus d’être dangereux sont contre-productif. : ils mettent l’enfant en extension, et ne lui permettent pas d’exercer ses appuis.

Mais alors comment aider son enfant dans l’accès à la verticalité et à marche ? En lui permettant de vivre les expériences de redressement dans un environnement sécurisé (caboter le long du canapé et des meubles bas, sans danger), de grimper, d’explorer.  En étant à ses côtés pour l’encourager et le valoriser dans ces nouvelles compétences.

Alors concrètement, on favorise les sensations plantaires, pieds nus à la maison ; on organise son environnement pour limiter le danger et qu’il puisse s’exercer dans ses appuis de façon sécure ; on nourrit son appétence de la découverte de l’environnement en lui permettant de grimper, et de jouer avec les déséquilibres. On l’encourage, on le félicite, et on laisse le temps au temps.

WAROQUIER Céline, psychomotricienne D.E.

Pour aller plus loin :

Youtube : feldenkreis babies

A.Coeman : de la naissance à la marche